Ce matin, se déroule devant moi une scène peu ordinaire : un conflit entre un chien et son maître aveugle.
L’homme tente de traverser la rue du collège, certainement
comme à son habitude. Je sais que les aveugles ont une mémoire extraordinaire des lieux. Cependant, il ignore que des échafaudages ont été rajoutés le long des murs, alors que le reste des travaux sur la chaussée a été suspendu durant les congés.
Le chien tente à plusieurs reprises de décaler son maître qui insiste et s’énerve, persuadé d’avoir raison.
La scène est plutôt embarrassante. L’aveugle rencontre son premier obstacle en travers du chemin. Il s’énerve encore plus et ordonne à son chien de se coller contre le mur.
L’habitude que j’ai prise lorsque je vois une personne à mobilité réduite, c’est de me poser aussi des questions sur mes propres handicaps. Et nous en avons tous : handicap à exprimer ses émotions, ses sentiments, handicap du partage ou de vivre pour soi, nos handicaps à établir un projet ou de parler en public. Toute la journée, j’accompagne pour réparer des coeurs blessés et dépasser un ou plusieurs handicaps.
Toutefois aujourd’hui, ce qui m’a le plus surpris et le plus interpellé – hormis la non-réactivité des gens, hormis ce camion qui continuait à foncer sur cette rue piétonne relativement étroite – c’est ce conflit entre ce chien qui pour moi symbolisait l’intuition ou le 6ème sens et son maître, le mental qui en toute légitimité, en toute prédominance agit en force, s’entête et fonce droit dans le mur!!!